Retour sur le festival Urban Life de Bruxelles des 7 et 8 mars dernier : un grand succès pour la danse à Bruxelles


La 7e édition du festival Urban Life de Bruxelles a eu lieu les 7 et 8 mars dernier et nous souhaitons y revenir pour que vous ayez la possibilité de connaître cette manifestation partenaire d'Entrez dans la danse, Fête de la danse depuis deux ans. En effet, avec Jojo Ngamou, nous avons souhaité faire circuler des créations qui nous touchaient entre Paris et Bruxelles. Jojo choisit dans ma programmation une compagnie pour laquelle elle aura un coup de cœur et je fais de même dans sa programmation. Si bien qu'une à deux compagnies de Bruxelles pourront aller à Paris en juin 2016 et qu'une à deux compagnies parisiennes ou d’Île de France pourront aller à Bruxelles en mars prochain.
En 2015, Le festival Urban Life a accueilli la compagnie AèRe avec la pièce 1m76 et Mouvance d'arts recevra dans le cadre d'Entrez dans la danse, Fête de la danse Kavandance avec la création "Nostalgias" le 7 juin prochain.


Sur deux jours, ce festival Urban Life offre aux danseurs amateurs l'opportunité de faire la scène, d'accéder à une vingtaine d'heures d'ateliers de danse avec des chorégraphes internationaux et expérimentés et de voir des créations professionnels pour les inspirer à aller plus loin.

Plusieurs écoles de Bruxelles étaient présentes avec leurs élèves afin de montrer leurs pièces chorégraphiques encadrées par des professeurs professionnels, notamment les écoles Kavadance et Karys Dance Center.
Les jeunes élèves de la section " moyen-avancée pré-professionnelle de Joanna Kabongo ont  interprètées une pièce de Ragga Dance Hall type Ghetto avec une énergie, une précision, une efficacité qui déménageaient. Les parents que nous avons vu présents sur toute la manifestation sont extrêmement engagés dans le parcours de leurs enfants et adolescents...

Quelques compagnies professionnelles ont également capté mon attention :


Le collectif Madrootz, regroupant une partie des pionniers du mouvement Krump en France,  a mis une ambiance électrique sur la scène bruxelloise avec Expression, danse enragée d'inspiration tribale, flirtant avec les arts martiaux, rarement portée sur scène.




Collectif Madrootz  - Crédit Thibault Grégoire

Collectif Madrootz  - Crédit Thibault Grégoire


Collectif Madrootz  - Crédit Thibault Grégoire

Collectif Madrootz  - Crédit Thibault Grégoire


- Le Huit avec un extrait de la pièce "Brèves de vestiaires" Caroline Le Noan et Justin Collin interprètent avec finesse, dextérité et brio une variation autour d'un porte-manteau de gymnase, deux vestes qui glissent au sol l'une sur l'autre. La construction chorégraphique est intelligente, une fluidité étonnante se joue dans ce duo-quintet (les trois objets ont une réelle présence et un véritable rôle). Nous sommes témoins d'un moment insolite qui devient poétique et  a séduit toute la salle. Les interprètes gageaient que nous ne regarderions plus nos vêtements suspendus de la même manière : pari tenu !


Cie Le Huit - Crédit Thibault Grégoire

Cie Le Huit - Crédit Thibault Grégoire

Cie Le Huit - Crédit Thibault Grégoire

Cie Le Huit - Crédit Thibault Grégoire



- Zassii Dance Théâtre avec The Flow avec Jojo Ngamou et Soleimane Sanogo.
Jojo, chorégraphe et interprète, a souhaité traiter du contrôle et du lâcher-prise et avec cette toute jeune pièce, elle pose cette question : "Sommes-nous à la recherche du contrôle ou de la liberté ?". 
Cie Zassii  - Crédit Thibault Grégoire

Cie Zassii  - Crédit Thibault Grégoire

Cie Zassii  - Crédit Thibault Grégoire

Cie Zassii  - Crédit Thibault Grégoire
 Contrôler ses pulsions, ses désirs, ses émotions ou bien se laisser à la liberté de ressentir et d'être ? Accueillir l'instant présent, ressentir sans se censurer, penser sans préjuger, accepter ce qui ne peut être changé..., tels sont quelques-uns des antidotes au contrôle de soi et des autres. Des voies que Jojo explore avec Soleimane pour parvenir au véritable lâcher-prise ainsi ils disent tous deux vraiment oui ! à la vie. Les interprètes ont du talent et du charisme. Je souhaite à cette création prometteuse un joli parcours.




- Mon coup de cœur pour la compagnie Auguste-Bienvenue et plus précisément, pour le chorégraphe-interprète Auguste Ouedraogo qui a donné son solo engagé Tourments noirs.

Cie Auguste-Bienvenue - Crédit Thibault Grégoire
Cie Auguste-Bienvenue - Crédit Thibault Grégoire

Ce solo s'inspire des discours de Thomas SANKARA pour poser la question de l'identité de l'Homme Noir dans un contexte mondialisé, ainsi que de l'épineuse question du développement de l'Afrique. Rester soi-même ou tout renier pour intégrer l'inconnu ? Que faire pour redonner à l'Homme Noir sa place au sein des peuples de la planète ? Que faire pour permettre à l'Afrique de prendre le chemin du développement ? Voilà bien des questions qui fâchent, qui inquiètent… qui tourmentent ! Ce qui est sûr, nous dit SANKARA, « …nous devons accepter de vivre africain. C'est la seule façon de vivre libre et de vivre digne.» 
En soi, le propos est intéressant et nécessaire, et Auguste est un artiste habité. Lorsqu'il dénonce, il danse et sa danse nous parle directement, sa cause, on la comprend et on l'épouse, il nous aide à le rejoindre. Son écriture chorégraphique est belle, simple, sans détour, sa prise de plateau efficace, sa gestuelle poétique, puissante, violente et à d'autres moments si douce, nous fait partager ses incertitudes, ses maux, ses espérances, sa dignité.
Cie Auguste-Bienvenue - Crédit Thibault Grégoire
On vibre avec lui de cette force intérieure qui l'anime et cela m'arrive trop rarement.
Cie Auguste-Bienvenue - Crédit Thibault Grégoire

- Enfin, la compagnie AèRe - Sonia Duchesne était invitée pour montrer aux habitants de Bruxelles son création hip hop et paroles "1m76"  .

Après sa pièce contemporaine Lasteminutes.org qui traitait avec subtilité, émotions et sobriété de sa propre mort, sujet sensible, mais, sans jamais tomber dans le pathos ni la noirceur, elle revient au hip hop avec une prise de paroles en danse et en mots. Elle prend pour prétexte sa taille 1m76 pour parler de la difficulté d'être différente et hors norme dans certaines situations. En ce qui la concerne : les auditions (mise en situation de jugement par excellence, mais pas la seule, on le sait). 
Cie AèRe  - Crédit Thibault Grégoire
C'est ainsi qu'elle place d'emblée les spectateurs dans la peau d'un jury fictif (certains se reconnaîtront néanmoins) et va les faire entrer dans son jeu de scène et ça marche, même très  fort !! Le public s'identifie, souvent, plus à la danseuse qu'au jury, puisqu'il aura au moins une fois dans sa vie expérimenté un moment similaire. On voit le personnage essayer d'abord de rentrer dans le "moule" que l'on veut lui imposer, puis, elle évolue.
Elle ne tombe pas dans le panneau de "juger le jury", même si elle assène quelques vérités bien méritées ; son garde fou : l'humour  vis à vis d'elle-même et des autres. Et l'humour, elle sait le manier avec dextérité, par petites touches... Le propos n'est  d'ailleurs pas là, mais plutôt dans le fait de trouver comment s'émanciper des carcans, des "a priori" qui, eux, existent bel et bien, et, peuvent broyer un individu.
Cie AèRe  - Crédit Thibault Grégoire


Cie AèRe  - Crédit Thibault Grégoire
Elle nous donnent quelques pistes de réflexion, de sorties.
Elle est réelle, réaliste et on la voit se battre, résister pour s'affirmer, pour être en paix avec elle-même, son corps, ses pensées, ses désirs, ses choix et ce qui est important à ses yeux.
Sa gestuelle (poppin, boogaloo, waves, new Style...danse contemporaine) devient le prolongement du chemin parcouru par sa pensée, sa danse se libère elle aussi jusqu'à la jubilation et la frénésie finale.
Personnellement j'adore cette pièce car il y a une intrigue rondement menée et puis, parce que j'apprécie chez Sonia : la danseuse comme la personnalité de la femme généreuse sur scène et dans la vie qui aborde un sujet universel avec adresse, esprit, lucidité et fraternité.

Le public bruxellois lui a fait un accueil éclatant et c'est amplement mérité !


Maintenir un festival par les temps qui courent réclame foi, détermination, persévérance, capacité à rassembler et à s'adapter aux conditions parfois tout terrain autant pour la directrice artistique que pour les danseurs, volonté pour défendre le métier de pédagogues, d'enseignants, d'interprètes, et de chorégraphes.
Bravo à Jojo Ngamou pour  cette 7e édition et cette programmation de qualité. 

Valérie Gros-Dubois

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