La compagnie A Fleur de Pas a
présenté le mardi 20 mars Métamorphoses
avec Maroussia Vossen, danseuse et
chorégraphe qui m’est chère, Catherine
Perrotte, comédienne, et Philippe
Arrieus, musicien – Onde Martenot. La création lumière a été orchestrée
avec brio par Vincent Tudoce, la
sobriété n’excluait en rien la finesse de son accompagnement sensible.
Le propos annoncé est
celui-ci : « Notre corps est dans l’immensité du monde. Comme lui, il
est traversé de flux et de reflux, de transformations, de renoncements et
d’élans vitaux.
Ces métamorphoses, nous les
apprivoisons tout au long de la vie pour mieux éclore à nous-mêmes et au monde,
dans un mouvement continu.
Une danseuse, un musicien et une
comédienne.
Nous proposons une partition à
trois où nos pas, nos notes et nos mots se répondent, s’offrent des résonances
sur lesquelles chacun de nous rebondit. »
Ils empruntent les mots aux univers
poétiques de Baudelaire, François Cheng, Colette, Diderot, l’Ecclésiaste,
Olivier Lockert, Paul Valéry, Philippe Arrieus et Maroussia Vossen sous l’œil
vigilent et bienveillant d ‘Anne Marie Sandrini. »
Tout commence dans la pénombre et
le musicien nous plonge dans une ambiance faite de mystère dès les premières
notes. Un corps rouge spirale à genoux sur le plateau dans une douceur calme et
fluide. C’est infiniment délicat et composé d’infimes mouvements, de
frémissements de parcelles du corps. D’emblée, je suis touchée car nous sommes
dans l’univers du sensible, et ces légères vibrations, oscillations minimales
de certaines partie du corps sont troublantes car elles sont la réminiscence,
le témoin du début de la vie de toute chose. Dans ce monde bruyant de sons et
de mouvements en tous sens, le public plonge dans une invite à l’infiniment
petit qui se déploie et au calme, à
l’écoute concentrée, détendue. La danseuse engage ses boucles ramassées et étend sa ramure mouvante jusqu’à
l’épanouissement ondoyant et tournoyant : elle tourne, à ce qui nous
semble sans fin, enveloppe le mouvement et le développe perpétuellement. Son
corps a compris qu’il était messager de notre infinitude, malgré nos limites
bien réelles : c’est la magie de Maroussia qui nous charme.
Toujours, elle se meut, tantôt au
ralenti, tantôt vive, mais toujours…
Elle joue aussi. Avec son corps,
avec les notes du musicien, avec le musicien lui-même, avec les mots de la
comédienne et la comédienne elle-même et eux avec elle. C’est vrai aujourd’hui,
comme c’est vrai pour ses collaborations passées.
La gestuelle de Maroussia est
immuable, certains diront qu’elle ne change pas de registre. Moi, je dirai
qu’elle est une interprète fidèle à son Être et qu’elle est unique et simple.
Chaque pièce s’appuie sur ce qu’elle Est et ce qu’elle cherche à transmettre
avec d’autres partenaires et avec un alphabet corporel qui est le sien, qu’elle
s’est forgé en écoutant le monde qui l’entoure. Elle est la seule qui renait
avec excellence de la simplicité de son langage au service de ce qu’elle nous
dit. Elle est poète de la danse. Elle se métamorphose à chacune de ses pièces.
Dans cette pièce, elle se fait
marée, écume, remous, elle devient les éléments de manière fugace. Elle ne
cherche pas à prouver quoi que ce soit… Elle transmet la continuité dans ses
membres qui résonnent dans l’espace, elle se retire, s’étire et s’offre tour à
tour. Plusieurs tableaux se succèdent au rythme des textes et des sons.
Elle est ondoyante.
J’ai été particulièrement
captivée par un déroulement d’une marche en diagonale avec des appuis dans le
sol, ancrée ; une caresse de la plante des pieds dans la terre nourricière
ou dans le béton stérile, un poids primitif et puis, tout à coup, l’énergie
puisée dans le sol reste suspendue tels les oiseaux qui ne battent plus des
ailes mais suivent et épousent le courant.
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Crédit Nicolas Villodre |
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Elle fait et défait, s’étire et
se rétracte, sans jamais laisser mourir le mouvement, pour aller ailleurs. Elle
s’enroule et se déroule. Tout danse, jusqu’au moindre orteil.
Même le bâton de pluie devient un
prolongement d’elle-même et cela sonne juste.
Elle joue, très sérieusement.
Elle reste une enfant avec la sagesse en plus. Elle navigue sur la vie. On
aimerait voir ses jambes se déployer autant que ses bras, son buste. C’est mon
envie depuis des années, mais non. Et c’est bien ainsi aussi, elle a ses
raisons.
Éclosion perpétuelle, voilà qui
lui ressemble bien. Elle épouse, plus qu’elle ne repousse ou contre-carre. Elle
se joue des forces en douceur, les apprivoise.
La métamorphose est partout et
multiple tout au long de cette pièce tout autant que dans la vie elle-même.
« Se rejoindre en avant de
soi », j’ai retenu cette phrase qui lui va si bien.
Lorsqu’elle est debout, elle
semble sur demi-pointes s’élançant telle une flamme vers les cieux et lors
qu’elle se replie sur elle-même, son recroquevillement semble ne pas avoir de
fin.
De l’infini petit à l’infini
grand : un cercle vertueux, c’est elle.
Son unicité ne fait aucun doute
pour celles et ceux qui connaissent Maroussia.
Et trop peu en sont conscients.
Valérie Gros-Dubois
Remerciements : Conservatoire de Musique
de Rungis, Sophie Tonneau et Silvio Matteucci