Entrez dans la danse,
Voyez comme on danse,
Sautez, Dansez, Embrassez qui vous voudrez !!!
Interview 17 : Aurélia Jarry de la compagnie Sait-Mouvoir
programmé dans le cadre de la 13e édition
d'Entrez dans la danse, Fête de la danse
le dimanche 5 juin 2016, Paris 12.
1/ Qu’est-ce qui vous a amené au métier de danseur et de chorégraphe ?
La danse a
toujours fait partie de ma vie. A l’âge de sept ans j’ai commencé la danse
classique, et j’ai toujours souhaité que la danse puisse être mon métier. Mais
jusqu’à il n’y a pas si longtemps, j’ai cru que ce ne serait pas possible. Il a
fallu que j’aille à Buenos Aires, à 27 ans, en 2007, pour qu’une chorégraphe me
dise que mon souci de chevilles – qui avait semblé rédhibitoire jusque-là – n’avait
pas grand-chose à voir avec le fait que je sois ou non danseuse.
Cette rencontre
avec Maria-José Goldin a été déterminante, parce qu’elle m’a ouvert un horizon
jusque-là inconnu : la possibilité de partir à la recherche de mon propre
langage corporel, hors l’académisme. Il y avait toujours eu en moi, comme
quelque chose dans mon corps, qui faisait que je ne pouvais pas danser comme on
me demandait de le faire ; chose qui avait contribué à me faire penser que
je n’avais pas les compétences pour être danseuse. Maria José m’a permis de
découvrir qu’il pouvait y avoir une danse qui soit ma danse, que je sois seule à pouvoir trouver, à partir de mon propre
corps, ses hostilités et ses envies. Alors, pendant trois ans, j’ai essayé de
déconstruire tout ce que j’avais pu apprendre de la danse, pour tenter de
retrouver ma propre façon de danser, comme quand j’étais petite, avant les
cours de danse classique.
Et en même
temps, il y a eu la vie. Comme on dit « être rattrapée par la vie ».
Un accident de vie, qui m’a contrainte à l’immobilité pendant plusieurs
années ; et a remis en cause la perspective professionnelle universitaire
dans laquelle je m’étais engagée. Après quoi, le mouvement de la danse s’est
imposé ; et, peu à peu, a fait que la danse devienne mon métier, dans
l’enseignement et la transmission de mon univers chorégraphique.
Quand j’ai
commencé à enseigner, je ne pensais pas que la démarche si personnelle qu’avait
été la mienne puisse intéresser les autres danseurs. Et pourtant, une résonance assez forte s’est produite, et m’a encouragée à continuer dans cette direction.
Maintenant, avec certains de ces danseurs, je souhaiterais que nous trouvions l’opportunité
de sortir du studio pour partager avec le public cette démarche et cet univers.
Je veux
défendre une danse qui s’adresse à chacun. Car pour moi, comme la danse est du
corps, elle est à tout le monde.
2/ Avec cette performance, que souhaitez-vous transmettre au public ?
La pièce que je
vais présenter s’appelle : « De l’intérieur ». A travers elle,
je souhaiterais inviter chaque spectateur à se tourner vers sa propre
intériorité. A prendre ce risque. Car je crois que pour beaucoup d’entre nous,
cela semble risqué. Et peut-être plus encore, dans cette époque qu’est la
nôtre, où tout nous arrive à grande vitesse, et de l’extérieur.
Pour moi, la
question de l’intériorité est intimement liée à celle de la pudeur : comment
faire part de l’intérieur tout en respectant la pudeur (de l’interprète et du
spectateur) ; sans courir le risque de l’impudeur. Cette courte pièce est
une tentative en la matière.
Par ailleurs, en
renouvelant une même écriture (chorégraphie), dans la lenteur puis dans la
rapidité, et ce, dans l’alternance répétée de deux morceaux musicaux, je
souhaite travailler sur la mémoire sensorielle du spectateur : que la
familiarisation avec les morceaux musicaux et avec la séquence de mouvements,
puisse l’installer dans une sorte de confort proche de l’état de « latence »
qui précède le sommeil. Et ainsi, peut-être, donner à voir combien la
réinvention est affaire de chacun, et de chaque instant.
Une Fête de la
danse est une bien belle idée ! Qui me fait tout de suite penser à Béjart
désirant montrer, et montrant, ses ballets dans des stades de football.
En même temps,
mettre un certain type de danse dans l’espace public me semble en effet relever
véritablement du défi. Et comme la pièce que je vais présenter s’appelle
« De l’intérieur », l’exposer à l’extérieur va me demander de
repenser sérieusement comment l’habiter, pour qu’elle puisse s’étendre dans un
extérieur bien plus vaste que celui de l’intimité de la salle de théâtre. Je me
dis qu’il faudra que l’intériorité soit encore plus forte. Qu’il faudra jouer
encore davantage sur l’ambivalence force/fragilité de l’intériorité. Pour
tenter, dans un cadre de plein air, de capter un maximum de spectateurs.
Je suis
actuellement en train de travailler à une pièce dans laquelle je danserai avec
quatre autres danseuses, et qui s’appelle pour l’instant « Chantiers
Intérieurs ».
Depuis
longtemps j’avais envie de partager l’espace scénique avec d’autres danseurs,
mais je voulais être bien sûre que nous soyons profondément dans une même
démarche, et quant à la danse, et quant à notre façon d’être au monde. Grâce
aux trainings et workshops que je donne, j’ai pu rencontrer quatre magnifiques
danseuses-interprètes (Emma Sylvain, Mary Corcuff, Greta Sandon, et Susanne
Döbel). Après avoir travaillé ensemble pendant plusieurs mois (voire plusieurs années
avec certaines) dans cette transmission de mon univers chorégraphique, il me
semble que nous sommes maintenant à même de pouvoir donner à voir notre
recherche.
Pour moi, du
fait de mon expérience en tant que danseuse, il a toujours été important de pouvoir
rendre compte, sur scène, d’une pluralité de corps ; je veux dire, d’un
éventail des possibles d’être « corps-dansant ». Et aussi, de montrer
comment, malgré ou grâce à cette diversité, il est possible d’élaborer un
langage ou univers commun, sans que personne n’ait à perdre son identité propre.
Programmation : Paris 12, Cour Saint-Emilion, Place Basse UGC : 17h30-17h50
Interview recueillie par Valérie Gros-Dubois
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